« Chronique réservée aux femmes »
Si je vous disais que « Les courses, vous le savez, c’est ma grande passion », me croiriez-vous ? Peut-être pas, si vous vous souvenez de ma chronique sur la carte carte du magasin. À vrai dire, je ne songeais pas aux courses que l’on fait au supermarché, mais aux courses hippiques. Et là, non, ce n’est pas en effet pas ma grande passion. C’était celle d’Omar Sharif, comme il l’avouait lui-même ici. Nostalgie, quand tu nous tiens...
Mais pourquoi donc vous parler de courses hippiques dans une chronique linguistique ? Comme me l’avait expliqué mon grand-père, dans une course hippique, ce n’est pas le cavalier (autrement appelé « jockey ») qui gagne la course, mais le cheval.
Si vous allez assister à une course hippique, vous aurez peut-être besoin de vous y rendre en voiture. Et cette voiture, vous devrez lui trouver une place de stationnement. En effet, tout porte à croire que c’est bien la voiture qui est garée, et non le conducteur. Le conducteur, lui, se contentera de payer l’amende, si la voiture est mal garée.
Ces quelques rappels étant faits, je dois maintenant vous raconter une anecdote : je vais parfois garer ma voiture dans un parc de stationnement souterrain de Metz. Pendant quelques semaines, le niveau -1 en a été inaccessible. Récemment, ce 17 septembre 2025, j’ai eu l’occasion de me rendre à une réunion, accompagné par une amie. Et qu’ai-je découvert ? Les travaux avaient servi à placer des panneaux « place réservée aux femmes » sur toute une rangée de place de stationnement, comme ceci :

Comme je l’ai rappelé, ce n’est pas le conducteur que l’on gare, mais le véhicule. Dans ces conditions, le fait que des places de stationnement puissent être « réservées aux femmes » nous conduit à penser qu’il pourrait y avoir des caractéristiques communes entre les femmes et les voitures… ou les motocyclettes (pourquoi pas…). Dès lors, beaucoup de questions se posent : les femmes possèdent-elles deux ou quatre roues motrices ? Fonctionnent-elles à l’essence, à l’essence sans plomb, au gazole, ou à l’électricité ? Parmi ces places de stationnement réservées aux femmes, ne serait-il pas pertinent qu’un quota soit réservé aux femmes électriques ?
Nous avons dû faire l’hypothèse qu’une femme était une voiture, mais qu’en est-il de la réciproque ? Le seul moyen de le savoir serait qu’un homme tentât de garer sa voiture sur une place réservée aux femmes. Le conducteur de la voiture serait peut-être identifié par les caméras de vidéosurveillance comme n’étant pas une femme, ce qui conduirait très probablement à une contravention pour celui-ci. Mais en quoi cela prouverait-il que la voiture de cet homme n’est pas une femme, et même que cet homme également n’est pas une femme ? Attention : il y a un piège !... Comme l’a fait observer finement un grand philosophe du XXIe siècle, « Il ne faut pas confondre identité de genre et expression de genre, sinon on va déjà mal partir ». D’ailleurs, on dit bien « la » voiture, et non pas « le » voiture, n’est-ce pas ? Il est donc indéniable que « la voiture » est de genre féminin. Donc son identité de genre est bien celle d’une femme, non ? Et à une époque nominaliste où les réalités biologiques sont niées, un homme qui se prétend femme est bien une femme, n’est-ce pas ? Mézalor, dans ce cas, la contravention ne peut qu’être annulée !
Si j’ironise ici, c’est pour bien montrer à quelle point l’« innovation » présente sur la photographie ci-dessus illustre le naufrage de la société occidentale en général, et de la société française en particulier, du point de vue du rapport que ses « élites » (sic) ont à la langue. D’ailleurs, maintenant qu’il y a des places « réservées aux femmes », ne conviendrait-il pas, pour des raisons évidentes de non-discrimination entre les véhicules, qu’il eût, Égalité oblige, des « places réservées aux hommes » ? (Ne dit-on pas « un » cyclomoteur) ?
Je crois que la plupart des Français « éduqués » n’ont pas encore pris la mesure du caractère dramatique de l’effondrement spirituel et cognitif généralisé auquel ce pays va être confronté dans les années à venir. Que des technocrates illuminés donnent libre cours, via l’architecture et l'aménagement du territoire, à leur goût pour l’artefact, la médiocrité et la laideur, au fond, il n’y a là rien que de très normal, puisque cela dure depuis environ 250 ans. Mais que la population ne s’insurge pas lorsqu’elle est confrontée à de telles inepties, voilà qui est bien plus préoccupant...
Une chose est sûre : une voiture ne saurait avoir compris cette « chronique réservée aux femmes » qui, elles, parfois, savent lire. Attendez !… Attendez… On me dit dans l’oreillette que certaines sauraient même écrire. Ouf !
PS : On pourra estimer que les partis pris et raisonnements ci-dessus sont caricaturaux, et que la recrudescence des actes violents à l'égard des femmes dans les parcs de stationnement justifie qu'elles puissent garer leur voiture dans une partie du parking qui est réservée aux conductrices, le raisonnement étant qu'il y a moins de risque qu'une femme se fasse agresser par une autre femme que par un homme. Mais ce raisonnement est fallacieux car il part du principe que la violence est corrélée au sexe (les hommes seraient par nature plus violents que les femmes), alors qu'elle est corrélée au manque d'éducation et de maîtrise de soi ; maîtrise de soi qui peut être acquise en particulier... par la maîtrise de la langue, d'où la pertinence de ce sujet dans cette une chronique linguistique. Je pense donc que l'« innovation » proposée par la ville de Metz est une « fausse solution à un vrai problème », pour citer le titre d'un article du journal Le Parisien. D'ailleurs, quand on y réfléchit, on se rend compte que la probabilité que le conducteur d'un véhicule pris au hasard dans un parc de stationnement est de 1/2, mais la probabilité que les conducteurs de voitures stationnées sur des places « réservées aux femmes » soient des femmes est de 1. En réalité, réserver toutes les places d'une partie connexe d'un parc de stationnement aux femmes revient à délimiter le périmètre de zone sur laquelle les agresseurs peuvent agir. La véritable solution consiste à rehausser les standards spirituels et moraux de notre pays...