23 septembre 2025
Psychologie

Paranoïa sociétale préprogrammée

Les films et livres avec des scénarios basés sur des opérations de fausse bannière créent une paranoïa sociétale préprogrammée.

 

Les scénarios classiques de films, sur la Seconde Guerre mondiale et les westerns, dépeignent généralement des confrontations entre deux camps clairement définis. Cependant, après les années 1970, les scénarios de films de guerre et d'espionnage suivent de plus en plus fréquemment un scénario de « fausse bannière », où des individus de l'intérieur simulent des attaques extérieures pour tirer profit des conflits qui en résultent.

La trahison est intrinsèque à la guerre, mais contrairement aux récits sous fausse bannière, pour le camp attaqué, ce sont généralement les ennemis extérieurs qui incitent à la trahison ; les traîtres de l'intérieur sont très rarement (ou jamais) la cause principale et primaire des guerres. Néanmoins, ces scénarios deviennent de plus en plus dominants dans la compréhension populaire et urbaine des événements mondiaux.

Ce récit sous fausse bannière est par essence une inversion accusatoire paranoïaque, conduisant à soupçonner avant tout, dans son propre camp, des coupables « de l'intérieur » culturellement prédéterminés parmi une/des minorité/s perçue/s.

En déstabilisant la confiance et l'unité sociales, les récits sous fausse bannière pourraient être un outil des agresseurs, et être fomentés par eux, plutôt que de refléter la réalité.

Parce que suivre des récits sous fausse bannière implique une forme de dissidence, ils sont plus susceptibles d'être utilisés efficacement par les dictatures et les régimes totalitaires contre des régimes plus ouverts et démocratiques que l'inverse. Les religions et philosophies qui prônent l'introspection pourraient favoriser cette attitude. Il est certes conseillé d'envisager tout scénario, y compris la trahison par un proche, lors de l'analyse de toute situation. Cependant, invoquer systématiquement des traîtrises par des proches pour expliquer des événements est une auto-délusion autodestructrice et suicidaire, car le soi est le « proche » ultime.

Ce type d'oikophobie, qui prétend dénoncer de présumées trahisons, en réalité, pourrait avoir des effets similaires, voire pires que ces trahisons présumées. Si les mêmes « proches » sont systématiquement accusés pour chaque événement plutôt que leurs auteurs évidents et les ennemis déclarés, invoquer des conspirations de type « fausse bannière » devient une manie obsessionnelle, non seulement par l'attitude de rechercher une trahison, mais aussi au niveau de systématiquement accuser le même groupe interne.

 

Hervé Seligmann

Source : publication sur Researchgate

 

Cette publication du Dr Seligmann nous ramène au livre du Dr Ariane Bilheran duquel nous posons ici quelques citations :

« Ce délire collectif des sables mouvants de l’idéologie comprend des constantes. Cela correspond à un délire paranoïaque, qui est impulsé dans la population, laquelle s’enfonce toujours davantage dans la folie, à mesure de la contagion psychique

L’individu devient « un paranoïaque en puissance », donc perméable à n’importe quelle idéologie paranoïaque de bazar, que lui servira le pouvoir totalitaire, ce pouvoir fondé sur le crime et s’exerçant par la terreur.

Le système totalitaire doit terroriser les masses, pour justifier ses mesures politiques d’exception : il provoque une régression psychique5 collective.

Le délire paranoïaque opère donc comme un pansement sur les psychismes traumatisés et meurtris. Il agit comme une seconde peau sur les ampoules, et soulage la douleur. Il se présente en « folie raisonnante », englue la pensée et l’entraîne dans une croyance délirante partagée, sans plus s’embarrasser de la recherche de la vérité ni du rapport à l’expérience. »

Ariane Bilheran, Psychopathologie du totalitarisme, p48, 55, 168.

 

Cet article est 


Dépêches Citoyennes

Recevez nos articles automatiquement

Tous droits réservés (R) 2023-2024