Scientia potentia est : Le savoir c’est le pouvoir
Si cette locution latine est une vérité fondamentale, elle devient aujourd’hui un véritable avertissement, une alerte maximale. Pourquoi ? Sans doute parce qu’il fut un temps où les valeurs morales fondamentales étaient le ciment de notre société. Elles étaient notamment inculquées par la religion mais pas seulement. Certes, le mensonge, le vol, la malfaisance ont toujours existé mais elles restaient considérées comme de mauvaises actions. L’homme se targuait d’agir avec honneur, il était fier de ce qu’il accomplissait, visait l’excellence, l’honnêteté. Ces principes anoblissaient l’homme en ce qu’ils le faisaient tendre vers le Beau, le Vrai, le Bien et le Juste. On scellait un contrat par une poignée de main et il y avait des us et des coutumes, non écrites, auxquels ils étaient attachés et qui guidaient la justice.
Dès lors que l’on s’affranchit de cette histoire réécrite, les lectures d’ouvrage sur l’Ancien Régime et la Révolution française nous surprennent en ce qu’ils décrivent ces époques passées bien différemment de ce que l’on nous en présente. Un indice à prendre en compte pour commencer à douter des récits historiques qui parlent d’époques moyenâgeuses, arriérées, sombres, obscurantistes : la France ne fut-elle pas une puissance mondiale reconnue pour son excellence en matière d’architecture, de raffinement, de littérature, de pouvoir, de langage, etc. ? De qui la France tient-elle cette réputation mondiale dont jouissent les pires vermines qui se l’approprient ?
Comment l’homme pourrait-il évoluer, grandir, transmettre à ses enfants dès lors qu’il est privé de son histoire, celle de ses ancêtres ? Comment peut-il ne pas dériver dès lors qu’il est désamarré de ses fondations civilisationnelles, et n’a plus d’ancrage dans son passé ?
Le pouvoir doit être retrouvé d’abord par la récupération de ce savoir, de CES savoirs dont on nous a machiavéliquement dépossédés. Nos ancêtres s’étaient organisés pour un partage des richesses, un équilibre des pouvoirs, une éducation qui transmettait savoir, raisonnement, esprit critique, valeurs morales, permettant à la génération future de développer toutes les armes utiles aux femmes et aux hommes adultes, responsables et engagés dans la communauté et pour le bien commun.
Dépossédés : voilà ce que nous avons été au fil des décennies avec une certaine gangrène qui amena à la barbarie de la Révolution, premier pas vers notre asservissement. Parasités de toute part, de manière plus ou moins indolore depuis, nous avons lentement été privés de tout ce qui faisait de nous une civilisation. La dernière phase de ce totalitarisme est l’annihilation des individus. Les analyses d’Arnaud-Aaron Upinsky, de Xavier Martin et de Pierre Gaxotte amènent aux mêmes conclusions. Prenons le livre de Liliane Held-Khawam : Dépossession. Quelque 200 pages qui exposent son analyse que Marc Chesney, professeur de Finance qualifie de salutaire, sans concession et essentielle à la compréhension du monde actuel.
« Il est une chance que les gens de la nation ne comprennent pas le système bancaire et monétaire,
parce que si tel était le cas, je crois qu’il y aurait une révolution avant demain matin. » Henry Ford
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« Celui qui emprunte est l’esclave de celui qui prête ». C’est avec ce proverbe 22 de la Bible que Liliane Held-Khawam entame son livre. Elle décrit le modus operandi de la haute finance, ses ramifications, sa densification et sa puissance qui la rendent intouchable même pour un État auquel elle s’est d’ailleurs substituée sur toute la planète. Vous pensiez les États forts ? Souverains ? Point du tout ! Mais cela vous est caché derrière un jeu d’acteurs, les élus et les partis, pour que, lentement, sûrement puis de plus en plus rapidement au fur et à mesure de votre anesthésie, vous soyez dépossédés de tout et soyez vous-même appréhendé comme une ressource qui ne sera utile que si elle est productive.
Et si la complexité des marchés financiers, de l’économie n’étaient qu’un déguisement pour dissuader le citoyen lambda d’en comprendre les tenants et aboutissants afin qu’il ne puisse pas comprendre le vol dont il est victime ?
Ainsi, nous pensons vivre en démocratie qui se veut être un État de droit, propriété des citoyens qui garantit les droits et libertés et veille au bien commun. MAIS, peut-on encore parler de démocratie quand la fonction vitale d’un État lui a été retirée ? À savoir la souveraineté monétaire et la création monétaire. Ce privilège régalien (réservé à l’État), et absolument non transmissible (pas plus qu’il n’est possible de donner son foie sans en mourir) fut transféré à la haute finance internationale ; la monnaie, bien commun est devenu un bien privé ; ces entités privées en retirent donc tous les bénéfices tout en laissant aux citoyens en assumer le coût. Ainsi, La Banque de France fut créée aux environs du 6 février 1800, peu après la Révolution. L’appellation induit en erreur et trompe son monde car dès le départ elle est une entreprise strictement privée aux mains de quelques hommes ! Napoléon (qui sera de ces hommes) lui donne en 1803 le pouvoir exclusif de la création de papier-monnaie.
Il en sera de même aux USA. Par ailleurs, un document de la Banque des règlements internationaux (BRI) semble révéler que des gestionnaires d’actifs américains tels que BlackRock ou Vanguard peuvent intégrer ce groupe de quelques hommes. L’administration des richesses et des pouvoirs est donc ainsi concentrée.
« La richesse générée par la spoliation de la création monétaire est tout simplement inimaginable et rend insignifiants les milliards de Bill Gates, Bernard Arnault et consorts. » (p. 55).
« La création monétaire bancaire relève en fait plus de l’usure que d’une simple écriture sans contre-valeur » (p. 43).
Alors que la création monétaire est un privilège réservé au souverain dont les « bénéfices » étaient reversés au bien commun, l’usure est un prêt à taux prohibitif et une opération dans laquelle l’emprunteur engage des biens qu’il peut perdre et dont la valeur est bien supérieure.
L’infiltration de ces entités privées a induit la collusion entre le domaine public et privé. Liliane Held-Khawam explicite parfaitement les conséquences, à savoir que l’intérêt général devient l’intérêt d’entreprises privées, le citoyen devient collaborateur ; le principe de gratuité et de solidarité de la chose publique s’éteint ; les règles et lois sociales changent d’objectif.
« L’affaiblissement de la démocratie et la mise en place d’un nouveau profil de dirigeants, souvent technocrates et de forte proximité avec la haute finance, ont induit une mutation du management du secteur public. […] le plus participatif et réussi des managements d’entreprise est un système totalitaire, dès lors qu’il est transposé à la sphère publique. » (p. 16).
Enfin, la mutualisation des risques et la privatisation des bénéfices est une escroquerie : pile je gagne, face tu perds !
« L’exemple du sauvetage des banques systémiques avec l’argent public pour compenser, sans contreparties, les actes criminels de la haute finance, n’aurait jamais pu être justifié dans un monde réellement libéral ou démocratique. » (p. 17).
Liliane Held-Khawam revient sur la crise des subprimes, les produits dérivés, l’effet de levier. S’ils furent des délits financiers, car considérés comme armes de destruction massive en ce qu’ils sont potentiellement mortels, ils ont été, avec la crise des subprimes, institutionnalisés ! Les garde-fous managériaux et comportementaux fondamentaux ont sauté. Le prix des risques encourus est maintenant endossé par l’argent des contribuables-déposants-citoyens (le nôtre) ! Et ce, sans mandat démocratique et sans information du contribuable. Nous sommes les garants du maintien d’une bulle spéculative dont les montants nous sont inimaginables. Nous assumons les pertes mais ne recevons jamais les bénéfices.
Le système n’est pas remis en question que ce soit par les politiques ou les autorités de surveillance des marchés financiers. L’économie réelle, dans ce jeu mortel, se meurt, l’aspiration des richesses par quelques-uns ne fait que s’accélérer inexorablement.
Le marché de la haute finance représente 600 à 700 milliards d’euros par an. Les sommes générées qui sont colossales qui se trouvent sur les marchés de capitaux grâce à la dérégulation des marchés financiers avalisée par François Mitterrand. L’argent sale (drogue, traite des êtres humains, esclavage, etc.) a ainsi pu pénétrer les marchés financiers grâce à des constructions juridiques-écran et à l’organisation du marché économique et financier compatibles avec l’organisation mafieuse (Panama Papers). La place financière numéro un serait la City de Londres. Les marchés financiers font face au manque de liquidités en raison de leurs pratiques spéculatives, les capitaux mafieux sont alors un soutien conséquent.
« On a d’abord rebaptisé les confits d’intérêts en « milieux intéressés à consulter » ou lobbying, puis est arrivée la phase du blanchiment d’activités criminelles. Le 30 janvier 2018, l’Insee annonçait que, dorénavant, le calcul du PIB français inclurait l’achat et la vente illégale de drogues ! Les milliards d’euros du trafic de drogue sont ainsi invités à booster les chiffres de la croissance du pays ! » (p. 109).
La politique monétaire des pays est déléguée aux banques centrales dites nationales, elles-mêmes reliées aux banques centrales qui centralisent pouvoirs et prérogatives vers une banque centrale… Demain une super banque mondiale ? Qui pourrait créer une monnaie unique ? Les gouvernements, les banques centrales et commerciales et les grands entreprises ne seront plus que des pantins.
BlackRock, Vanguard, Fidelity et State Street se voient confier la gestion des actifs des banques centrales. Ils sont maîtres de l’économie, de la finance et de la politique. Les richesses sont aux mains d’un microcosme supranational, anonyme et invisible.
La principale épargne est celle de la retraite. Il est demandé aux États de laisser des financiers privés disposer librement et durablement de l’épargne nationale, les risques étant couverts par l’argent public ! Pire encore, les banquiers centraux aspirent les capitaux et rendent l’accès à l’épargne plus difficile. « La mort du libre accès à ses fonds financiers personnels semble inéluctable » (p. 158).
« Facebook, Apple, Amazon, Netflix, Google (Alphabet). Du 1er mars 2017 au 9 mai 2017, leur capitalisation boursière a pris 260 milliards, alors que tous les autres ont perdu 260 milliards ! […] Il n’y a pas plus de place ni au hasard, ni aux règles de marché libre.» (p. 179).
Ceux-là mêmes que nous finançons avec nos abonnements, nos publications, nos achats… en abandonnant nos commerçants, nos entreprises, … l’attaque contre les agriculteurs, les épargnants, les propriétaires immobiliers, les banques locales s’expliquent en ce qu’ils sont l’ultime bouclier face à l’hégémonie de la haute finance.
« 18 fonds de trois grandes banques françaises s’étaient mis ensemble pour spéculer sur la faim grâce à leur construction sur l’évolution des prix des matières premières, dont celui des céréales. Le 23 février 2017, Oxfam constatait que BNP Paribas, la Société Générale et BPCE, via Natixis continuaient leur spéculation sur la faim !!! » (p. 179-180).
Liliane Held-Khawam revient sur la prédation sauvage intervenue sur la Grèce, spoliant non seulement leurs finances mais aussi les impressionnantes richesses de matières (hydrocarbures, or, etc.). Le marché de la finance, en usant de privatisations, est venu prendre possession de leur compagnie ferroviaire, leurs aéroports, leur distributeur d’électricité, etc. Et ce, alors même que le bilan de la Banque de Grèce était bénéficiaire au moment de la crise ! Le peuple sombre dans la pauvreté et le désespoir. La mortalité infantile a augmenté de 48% entre 2008 et 2010, des centaines de suicides sont dénombrés, près d’un million de personnes vivent sans accès aux soins de santé, les pensions ont été diminuées d’un quart et le seront de la moitié d’ici quelques années, le chômage a explosé, 34% de la population vit dans la pauvreté et l’exclusion sociale. La voracité de la haute finance n’a absolument aucune limite et encore moins de compassion pour la population.
« L’indépendance des États n’a plus sa place dans ce genre de modèle. Cette approche qui vise à uniformiser l’espace planétaire explique pourquoi il a fallu introduire la libre circulation des capitaux, de l’humain, des ressources des entreprises, des services et de l’information. » (p. 30).
Les États ont transféré leur souveraineté à des organismes supranationaux qui travaillent main dans la main avec les entreprises privées, l’OMS avec les laboratoires pharmaceutiques, les organismes européens avec les industries de l’agroalimentaire, etc. Les ressources sont concentrées, collectivisées pour n’être gérées qu’au profit d’entités supranationales privées.
« Cette hyperpuissance monétaire et financière acquise par l’élite de la haute finance internationale constitue une confiscation de notre bien commun qu’est l’argent et ne peut que déboucher sur un seigneuriage politique mondial . » (p. 49).
Ce syphonnage des richesses des peuples au profit de quelques-uns (62 personnes dans le monde possèdent autant que la moitié de la population mondiale la plus démunie). Les populations sont asphyxiées. La politique monétaire de l’État qui veillait aux emplois et au maintien du pouvoir d’achat n’est plus. En 2016, 45,8 millions de personnes étaient victimes d’esclavage moderne. Il y a plus d’esclaves aujourd’hui qu’il n’y en a eu entre le XVIe et le XIXe siècle ! L’humain devient une marchandise bon marché. Il ne s’agit ici ni de libéralisme, ni de capitalisme mais de la spoliation des richesses collectives.
En conclusion, je vous invite à télécharger le livre de Lilian Held-Khawam qui se trouve en accès libre sur son blog. Un autre de ces livres s’intitule L’humanité vampirisée.
Je terminerai en paraphrasant George Orwell : La guerre contre nous, c’est la paix pour eux, leur liberté c’est notre mise en esclavage, notre ignorance fait leur la force.
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